Véronique Bédague, la PDG de Nexity et co-animatrice du Conseil national de la refondation du logement, sonne l’alarme sur la crise immobilière qui se profile, caractérisée par un marché du crédit immobilier en difficulté, une chute des ventes de logements neufs et une pénurie de logements pour les étudiants en quête de locations pour l’année à venir.
Après l’alerte du président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, sur la crise du logement le dimanche 23 avril, Véronique Bédague, PDG du groupe Nexity, lance également un cri d’alarme. Les ventes de logements neufs chutent drastiquement, le pouvoir d’achat des emprunteurs est également en baisse et la rareté des offres sur le marché locatif suscite de plus en plus d’inquiétude. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a mis en place en septembre 2022 le Conseil national de la refondation du logement, dont la mission est de trouver des solutions politiques pour répondre à trois questions fondamentales : comment rendre le logement accessible aux Français, comment réconcilier le pays avec la construction, et comment concilier les besoins en logement avec la transition écologique et énergétique. Véronique Bédague, PDG de Nexity et co-animatrice du Conseil national de la refondation du logement, nous expose la crise que traverse actuellement le secteur immobilier.
De quelle manière se manifeste la crise majeure que vous décrivez dans le domaine du logement ?
Selon Véronique Bédague, la crise du logement présente divers aspects. En premier lieu, il y a une crise de l’offre, car le « choc de l’offre » promis par Emmanuel Macron pendant son premier mandat n’a jamais eu lieu. Les citoyens souhaitent vivre à proximité de leur lieu de travail, mais les salariés ont de plus en plus de mal à trouver un logement dans les environs. Chaque année, la distance entre le domicile et le lieu de travail s’allonge, mais cela n’est pas uniquement dû à la croissance du télétravail. Bien’ici, une plateforme de location, montre que l’offre de location a diminué de moitié en un an, tandis que la demande a augmenté de 1,5 fois.
Dans les agences immobilières, cette pression est perceptible au quotidien : une offre de location attrayante peut être louée dans la journée, surtout pour les studios et les deux-pièces. Les étudiants qui louent une chambre dans les résidences de Nexity ne rendent même plus les clés pendant l’été, de peur de ne pas retrouver un logement à la rentrée. Le taux de remplissage est désormais de 97% dans ces résidences, ce qui est normalement inimaginable. En somme, l’offre de logements ne répond pas aux besoins actuels.
Y a-t-il une menace pesant sur l’activité des professionnels du secteur ?
Il est observé que le nombre de crédits immobiliers accordés par les banques a chuté de 40% entre février 2022 et février 2023. De plus, la hausse des taux de crédit a entraîné une baisse d’environ 20% du pouvoir d’achat des clients. De nombreux jeunes actifs se retrouvent bloqués dans leurs projets et ne peuvent sortir de la saturation du parc locatif. Cependant, le foncier constructible se fait de plus en plus rare et les coûts des matériaux ont augmenté, ce qui rend difficile la production de logements 20% moins chers.
Cet état de choses a inévitablement des répercussions sur les ventes de logements neufs. En 2022, environ 375 000 nouveaux logements ont été construits, mais cela ne suffit pas pour répondre aux besoins de logements. Pour y parvenir, il faudrait construire environ 500 000 logements neufs et rénovés chaque année. On estime qu’il y aura environ 25% de logements neufs en moins dans le parc collectif en France cette année. Les constructeurs de maisons individuelles pourraient être encore plus touchés, la Fédération française du bâtiment craint la perte de 100 000 emplois d’ici 2024, tandis que Nexity évalue plutôt cette perte à 160 000 emplois, la chute pouvant commencer dès septembre.
Quelles sont les mesures à prendre pour satisfaire les besoins en matière de logement ?
Nous assistons actuellement à une forte migration de la population vers les régions du sud et de l’ouest, et il est impératif de fournir des logements à ces citoyens. La production de logements neufs stimule l’offre de location, ce qui est essentiel pour dynamiser le marché. Néanmoins, en France, il y a une forte résistance à densifier les métropoles et à construire de nouveaux logements. Cette situation pourrait être due à l’absence de discours nationaux sur les besoins de construire et de loger nos concitoyens.
En outre, je pense qu’il est nécessaire de revoir les règles de financement du crédit immobilier. Les règles établies par le Haut Conseil de Stabilité Financière ont amplifié le choc de la hausse des taux de crédit. Je pense notamment aux règles qui ont pénalisé les investisseurs locatifs avec de nouveaux modes de calcul de leur capacité d’emprunt. Environ un quart d’entre eux ont été exclus du marché du crédit pour ces raisons. À l’époque, l’objectif était de ralentir la production de crédit jugée trop importante. Aujourd’hui, je suis convaincue qu’il faut aider les particuliers à investir dans l’immobilier, car ce sont eux qui alimentent le marché de la location. Il sera donc crucial d’aider les bailleurs à retrouver des rendements satisfaisants lorsqu’ils louent un bien. Cela pourrait passer par la création d’un statut spécifique pour les bailleurs privés et la refonte de la fiscalité immobilière.